La faunistique, discipline consacrée à l’étude des animaux sauvages dans leurs milieux naturels, repose largement sur la collecte et l’analyse de données. Ces données sont souvent complexes, provenant de différentes sources telles que les relevés sur le terrain, les pièges photographiques, les suivis acoustiques ou les analyses génétiques. Pour interpréter ces données de manière fiable, les chercheurs utilisent des méthodes statistiques adaptées. Les statistiques appliquées à la faunistique permettent d’évaluer la diversité des espèces, d’estimer les abondances, d’analyser les distributions spatiales et temporelles, et de comprendre les dynamiques des populations. Cet article présente les principaux concepts, méthodes et applications des statistiques dans l’étude faunistique.
Pourquoi utiliser les statistiques en faunistique ?
Les populations animales ne sont pas distribuées de manière uniforme ni statique. Elles fluctuent selon les saisons, les ressources disponibles, les pressions anthropiques ou naturelles. De plus, la collecte des données comporte souvent des biais liés à la méthode, au terrain, ou à la variabilité des comportements animaux. Les statistiques permettent ainsi de :
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Résumer les données brutes en indicateurs pertinents (moyennes, variances, indices de diversité).
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Estimer des paramètres non directement mesurables (taille réelle d’une population, taux de survie).
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Tester des hypothèses écologiques ou comportementales.
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Comparer des populations ou des sites entre eux.
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Modéliser des processus complexes (migrations, interactions, impacts environnementaux).
Principaux types de données en faunistique
En faunistique, les données peuvent être :
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Quantitatives : nombre d’individus observés, biomasse, indices d’abondance.
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Qualitatives : présence/absence d’espèces, comportements observés, types d’habitats.
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Spatiales : coordonnées GPS des observations, distances entre individus ou sites.
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Temporelles : dates et heures d’observation, cycles saisonniers.
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Multidimensionnelles : combinaisons de plusieurs variables biologiques et environnementales.
Méthodes statistiques classiques
Statistiques descriptives
Elles permettent de résumer les données : moyennes, médianes, écarts-types, variances, fréquences. Par exemple, la moyenne du nombre de captures par piège ou l’indice de diversité de Shannon pour une communauté faunistique.
Tests d’hypothèses
Pour déterminer si une différence observée entre deux populations ou deux périodes est significative, on utilise des tests comme le test t, le test de Mann-Whitney, le test du chi2. Ces tests aident à valider ou rejeter des hypothèses écologiques.
Analyse de variance (ANOVA)
Utilisée pour comparer plus de deux groupes (par exemple, abondance d’une espèce selon plusieurs habitats différents).
Régressions linéaires et non linéaires
Permettent d’étudier les relations entre variables, par exemple la corrélation entre la température et l’activité d’une espèce.
Méthodes spécifiques à la faunistique
Estimation de la taille des populations
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Méthode Capture-Marquage-Recapture (CMR) : utilisée pour estimer la taille d’une population mobile. Des individus sont capturés, marqués puis relâchés. Le nombre d’individus recapturés lors des sessions suivantes permet de calculer la population totale avec des modèles statistiques (Lincoln-Petersen, Jolly-Seber).
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Indices d’abondance relatifs : nombre d’animaux observés par unité d’effort (temps, surface).
Analyse de la diversité
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Indices de diversité comme Shannon, Simpson ou Evenness mesurent la richesse et l’équilibre des communautés fauniques.
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Courbes d’accumulation d’espèces permettent d’évaluer l’effort d’échantillonnage nécessaire pour inventorier une communauté.
Analyse spatiale
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Indices de distribution spatiale (dispersion, agrégation) pour comprendre comment les animaux occupent leur territoire.
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Modèles de répartition (MaxEnt, modèles GAM) pour prédire la présence d’espèces en fonction des variables environnementales.
Analyse temporelle
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Analyse des tendances saisonnières ou interannuelles.
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Modèles de séries chronologiques pour étudier les fluctuations de populations.
Logiciels et outils statistiques utilisés
Plusieurs logiciels sont couramment utilisés en faunistique pour traiter et analyser les données :
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R : environnement open source très puissant, avec des packages spécialisés (vegan, unmarked, adehabitat) pour les analyses écologiques.
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PRESENCE : logiciel dédié à l’estimation de la détection et à la modélisation des populations.
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MARK : outil spécialisé pour l’analyse des données CMR.
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QGIS ou ArcGIS : pour la cartographie et l’analyse spatiale.
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SPSS, SAS : logiciels commerciaux pour les analyses statistiques classiques.
Applications pratiques
Les statistiques en faunistique sont utilisées dans :
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Inventaires et suivi des populations : quantification des espèces présentes et de leur abondance.
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Évaluation de l’impact des activités humaines : analyse des effets des constructions, agriculture, chasse sur la faune.
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Plans de conservation : identification des populations vulnérables, corridors écologiques à préserver.
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Études comportementales : analyse des habitudes alimentaires, des déplacements ou des interactions sociales.
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Gestion durable : calcul des quotas de prélèvement ou de chasse, suivi des effectifs.
Défis et bonnes pratiques
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Biais d’échantillonnage : éviter les biais liés au choix des sites, aux saisons, ou aux méthodes de capture.
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Qualité des données : importance de la rigueur dans la collecte et la saisie des données.
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Interprétation statistique : prudence dans l’interprétation des résultats, éviter les conclusions hâtives.
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Formation : il est essentiel que les faunistes soient formés à l’utilisation des outils statistiques adaptés.
Conclusion
Les statistiques appliquées à la faunistique sont un pilier incontournable pour comprendre, gérer et conserver la biodiversité animale. En combinant données de terrain et analyses rigoureuses, elles permettent de révéler les dynamiques complexes des populations et d’orienter les décisions de gestion écologique. Avec l’essor des technologies numériques et des outils de modélisation, les perspectives sont prometteuses pour approfondir nos connaissances sur le vivant.