L’hypoglycémie, définie comme une baisse anormale du taux de glucose dans le sang, est une urgence potentielle qui peut survenir dans plusieurs contextes. Si elle est souvent associée au diabète traité, certaines formes d’hypoglycémie trouvent leur origine dans des troubles endocriniens, parfois méconnus mais essentiels à diagnostiquer pour une prise en charge efficace.
Rôle des hormones dans la régulation de la glycémie
L’équilibre glycémique est maintenu par un ensemble complexe d’hormones. L’insuline, sécrétée par le pancréas, abaisse la glycémie en facilitant l’entrée du glucose dans les cellules. À l’inverse, plusieurs hormones dites « contre-régulatrices » agissent pour élever la glycémie, notamment le glucagon, l’adrénaline, le cortisol et l’hormone de croissance.
Un déficit dans l’une de ces hormones peut altérer la réponse de l’organisme à une baisse de glycémie, conduisant à une hypoglycémie persistante ou récurrente.
Causes endocriniennes d’hypoglycémie
Les principales pathologies endocriniennes impliquées dans les hypoglycémies incluent :
Insulinome
L’insulinome est une tumeur bénigne des cellules β du pancréas sécrétant de manière autonome de l’insuline, même en l’absence de stimulation par la glycémie. Il provoque des hypoglycémies souvent à jeun, accompagnées de sueurs, tremblements, palpitations, et parfois de troubles neurologiques.
Insuffisance corticosurrénalienne
Le cortisol joue un rôle majeur dans la mobilisation du glucose à partir du foie. En cas d’insuffisance surrénalienne (maladie d’Addison ou insuffisance secondaire), la production de cortisol est réduite, entraînant une diminution de la néoglucogenèse hépatique. Les hypoglycémies sont fréquentes, notamment lors de stress, d’infections ou de jeûne.
Hypopituitarisme
Le déficit en hormone de croissance et en ACTH (adrenocorticotropic hormone), qui stimule la production de cortisol, peut entraîner une hypoglycémie. Cette condition est plus fréquente chez les enfants mais peut aussi survenir chez l’adulte dans un contexte de tumeur hypophysaire ou après un traumatisme crânien.
Déficit en hormone de croissance
Chez l’enfant, une carence en hormone de croissance perturbe la production hépatique de glucose et la lipolyse, augmentant ainsi le risque d’hypoglycémies, surtout en période de jeûne ou d’effort.
Syndrome de nesidioblastose
Chez certains adultes, une hyperplasie des cellules β pancréatiques, parfois post-chirurgicale (notamment après chirurgie bariatrique), peut entraîner une sécrétion inappropriée d’insuline, responsable d’hypoglycémies postprandiales.
Manifestations cliniques
Les symptômes d’hypoglycémie sont variables, dépendant de la rapidité de survenue et du seuil glycémique atteint. Ils incluent :
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Symptômes neurovégétatifs : sueurs, tremblements, faim, anxiété, tachycardie
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Symptômes neuroglycopéniques : troubles de la concentration, vertiges, confusion, vision trouble, convulsions, perte de connaissance
Dans les cas sévères et prolongés, des lésions neurologiques irréversibles peuvent survenir.
Diagnostic et investigations
Le diagnostic repose sur la triade de Whipple :
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Symptômes compatibles avec une hypoglycémie
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Glycémie basse (< 0,55 g/L ou 3 mmol/L)
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Disparition des symptômes après apport de glucose
Un test de jeûne supervisé peut être nécessaire pour documenter une hypoglycémie et analyser les taux d’insuline, de peptide C, de cortisol, de GH et d’ACTH pendant l’épisode.
L’imagerie (IRM surrénalienne ou hypophysaire, scanner pancréatique, écho-endoscopie) est souvent utilisée pour localiser une cause tumorale.
Prise en charge
Le traitement dépend de la cause identifiée :
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En cas d’insulinome, la chirurgie est généralement curative
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L’insuffisance surrénalienne nécessite un traitement substitutif à base d’hydrocortisone
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L’hypopituitarisme est corrigé par un traitement hormonal substitutif (cortisol, GH, thyroxine, etc.)
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Dans la nesidioblastose, le traitement peut inclure un régime alimentaire fractionné, un inhibiteur de la sécrétion d’insuline (diazoxide) ou une pancréatectomie partielle
En situation d’urgence, un apport rapide de glucose par voie orale ou intraveineuse est nécessaire pour corriger l’hypoglycémie.
Pronostic et prévention
Le pronostic dépend de la cause sous-jacente. Une reconnaissance précoce et un traitement ciblé permettent souvent d’éviter les récidives. Chez les patients à risque connu, l’éducation thérapeutique, l’autosurveillance glycémique et l’ajustement des traitements hormonaux sont essentiels.
Conclusion
L’hypoglycémie d’origine endocrinienne, bien que moins fréquente que les formes liées au diabète, constitue un diagnostic différentiel crucial. Une approche clinique rigoureuse et une connaissance approfondie des causes hormonales permettent une prise en charge efficace et une prévention des complications à long terme.