Papilles gustatives : observation histologique

 Les papilles gustatives sont des structures spécialisées situées principalement sur la langue, responsables de la perception du goût. Leur observation histologique révèle une organisation complexe impliquant des cellules sensorielles, de soutien et basales. Elles forment l’interface entre les stimuli chimiques présents dans les aliments et le système nerveux gustatif. Une compréhension fine de leur structure microscopique permet de mieux saisir les mécanismes de la gustation et de diagnostiquer certaines pathologies sensorielles.

1. Localisation et types de papilles linguales

Les papilles gustatives sont présentes sur la muqueuse linguale, mais également, dans une moindre mesure, sur le palais mou, l’épiglotte, la paroi du pharynx et la partie supérieure de l’œsophage. On distingue plusieurs types de papilles linguales, dont certaines sont impliquées dans la gustation :

  • Papilles filiformes : très nombreuses, elles couvrent la quasi-totalité de la langue. Leur rôle est mécanique (frottement, abrasion), elles ne contiennent pas de bourgeons gustatifs.

  • Papilles fongiformes : en forme de champignon, elles sont dispersées parmi les papilles filiformes sur la pointe et les bords de la langue. Elles contiennent quelques bourgeons gustatifs sur leur face supérieure.

  • Papilles foliées : présentes sur les bords postérolatéraux de la langue, elles renferment de nombreux bourgeons gustatifs disposés dans des sillons.

  • Papilles circumvallées (ou caliciformes) : grandes et peu nombreuses (8 à 12), elles sont alignées en V inversé à l’arrière de la langue. Elles sont profondément enfouies dans l’épaisseur de la muqueuse linguale et entourées de sillons dans lesquels débouchent des glandes salivaires séreuses (glandes de von Ebner). Elles contiennent une grande concentration de bourgeons gustatifs.

2. Bourgeons gustatifs : unité sensorielle du goût

Les véritables structures sensorielles responsables de la perception gustative sont les bourgeons gustatifs, aussi appelés calicules gustatives. Ils sont insérés dans l’épaisseur de l’épithélium stratifié non kératinisé qui recouvre certaines papilles.

Un bourgeon gustatif est une structure ovoïde de 50 à 100 µm de haut, contenant environ 50 à 100 cellules spécialisées, organisées autour d’un pore gustatif central. On distingue trois types principaux de cellules :

  • Cellules sensorielles gustatives (ou réceptrices) : elles détectent les substances sapides. Leur partie apicale est dotée de microvillosités (microstéréocils) qui plongent dans le pore gustatif. Elles établissent des synapses avec des fibres nerveuses afférentes.

  • Cellules de soutien : elles entourent les cellules sensorielles et participent à la stabilité de la structure du bourgeon. Elles peuvent aussi jouer un rôle partiel dans la détection gustative.

  • Cellules basales : ce sont des cellules souches qui permettent le renouvellement des autres cellules. La durée de vie d’une cellule gustative est d’environ 10 jours, nécessitant une régénération constante.

Chaque bourgeon gustatif est innervé par des fibres sensitives provenant des nerfs crâniens VII (nerf facial), IX (glossopharyngien) et X (vague), selon la localisation.

3. Physiologie gustative et interaction avec la salive

Les substances sapides (sucré, salé, acide, amer, umami) doivent être dissoutes dans la salive pour atteindre les microvillosités des cellules sensorielles. La stimulation entraîne un potentiel de récepteur qui déclenche une libération de neurotransmetteurs, activant ainsi les neurones gustatifs.

Les glandes de von Ebner, localisées à la base des papilles circumvallées, jouent un rôle crucial en sécrétant une salive séreuse qui nettoie rapidement le sillon autour des papilles. Cela permet une détection gustative rapide et précise en éliminant les résidus alimentaires.

4. Observation histologique des papilles gustatives

En microscopie optique, on utilise généralement une coloration hématoxyline-éosine (H&E) pour observer la structure tissulaire générale. Le bourgeon gustatif apparaît comme une structure ovoïde plus claire dans l’épithélium.

En coupe transversale :

  • Le bourgeon gustatif est inséré dans l’épithélium pluristratifié.

  • Le pore gustatif, une ouverture apicale, est visible à la surface de la muqueuse.

  • Les cellules sensorielles apparaissent fusiformes, disposées de manière radiaire.

  • Le tissu conjonctif sous-jacent contient les capillaires et les fibres nerveuses qui assurent l’innervation.

En microscopie électronique, on peut observer les jonctions intercellulaires, les microvillosités apicales et les vésicules synaptiques.

5. Développement et plasticité des papilles gustatives

Les bourgeons gustatifs apparaissent très tôt lors du développement embryonnaire (vers la 7e semaine). Leur formation dépend de signaux moléculaires impliquant le facteur de croissance épidermique (EGF), le Wnt, et le Sonic Hedgehog (SHH).

Chez l’adulte, les cellules gustatives sont en constant renouvellement. Cette plasticité est influencée par des facteurs nutritionnels, hormonaux, ou pathologiques (déficits vitaminiques, chimiothérapies, infections virales comme la COVID-19, etc.).

6. Altérations et pathologies gustatives

Les troubles du goût sont appelés dysgueusies (altérations qualitatives) ou agueusies (perte complète du goût). Ces anomalies peuvent résulter :

  • De lésions nerveuses (chirurgie, traumatisme crânien)

  • D’infections (COVID-19, grippe)

  • D’intoxications ou traitements (chimiothérapie, radiothérapie)

  • De carences (zinc, vitamine B12)

  • De maladies systémiques (diabète, hypothyroïdie)

L’analyse histologique permet parfois de confirmer une atrophie des papilles ou une perte des cellules sensorielles.

Conclusion

Les papilles gustatives, et plus particulièrement les bourgeons gustatifs qu’elles abritent, sont des structures hautement spécialisées impliquées dans la détection fine des saveurs. Leur observation histologique permet de mettre en évidence une organisation cellulaire complexe et dynamique, capable de percevoir et de renouveler constamment l’information gustative. Comprendre leur structure est fondamental pour explorer les mécanismes sensoriels, diagnostiquer les troubles gustatifs et développer des approches thérapeutiques innovantes.

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne

Formulaire de contact