Les prostaglandines et autres eicosanoïdes sont des médiateurs lipidiques dérivés des acides gras polyinsaturés, en particulier de l’acide arachidonique. Ils jouent un rôle essentiel dans de nombreux processus physiologiques et pathologiques : inflammation, douleur, fièvre, coagulation, fonctions rénales, digestion et reproduction. Contrairement aux hormones classiques, ils agissent localement, de manière paracrine ou autocrine, et ont une demi-vie très courte. Cet article présente leur biosynthèse, leurs fonctions biologiques, ainsi que leurs implications cliniques.
Définition des eicosanoïdes
Les eicosanoïdes sont des dérivés oxydés d’acides gras à 20 carbones. Ils regroupent :
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Les prostaglandines (PG)
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Les prostacyclines (PGI)
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Les thromboxanes (TX)
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Les leucotriènes (LT)
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Les lipoxines (LX)
Tous sont issus principalement de l’acide arachidonique, libéré des phospholipides membranaires sous l’action de la phospholipase A2.
Voies de synthèse principales
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Voie des cyclooxygénases (COX)
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COX-1 (constitutive) et COX-2 (inductible) transforment l’acide arachidonique en prostaglandines, prostacyclines et thromboxanes.
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Cette voie est la cible des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’aspirine ou l’ibuprofène.
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Voie des lipoxygénases (LOX)
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Produit des leucotriènes et lipoxines, impliqués dans la réponse inflammatoire et allergique.
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Voie du cytochrome P450
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Génère des époxydes et d’autres métabolites moins bien caractérisés.
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Rôles physiologiques des prostaglandines
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Inflammation : les prostaglandines PGE2 et PGI2 augmentent la vasodilatation et la perméabilité vasculaire.
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Douleur et fièvre : la PGE2 sensibilise les nocicepteurs et agit sur l’hypothalamus pour élever le thermostat corporel.
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Coagulation : le thromboxane A2 (TXA2) favorise l’agrégation plaquettaire, tandis que la prostacycline (PGI2) l’inhibe.
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Système digestif : les PG protègent la muqueuse gastrique en stimulant la sécrétion de mucus et en réduisant l’acidité.
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Fonctions rénales : régulation du flux sanguin rénal, de la filtration glomérulaire et de l’excrétion sodée.
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Fonctions reproductives : les prostaglandines induisent les contractions utérines (parturition, menstruations) et interviennent dans l’ovulation.
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Système respiratoire : les leucotriènes peuvent induire une bronchoconstriction, jouant un rôle clé dans l’asthme.
Rôles spécifiques des autres eicosanoïdes
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Leucotriènes (LT) : produits par les globules blancs, ils sont fortement pro-inflammatoires et bronchoconstricteurs, notamment dans les réactions allergiques.
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Thromboxanes (TXA2) : produits par les plaquettes, ils favorisent l’hémostase mais peuvent aussi contribuer aux thromboses.
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Lipoxines : produits en phase tardive de l’inflammation, ils ont un rôle anti-inflammatoire et de résolution des processus inflammatoires.
Régulation de leur production
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Déclenchée par des signaux tels que l’activation des récepteurs, les cytokines, les traumatismes cellulaires ou les infections.
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Le type d’eicosanoïde produit dépend du tissu, du stimulus, de la présence des enzymes COX ou LOX et de l’environnement cellulaire.
Implications pathologiques et cliniques
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Inflammation chronique : excès de prostaglandines et leucotriènes dans les maladies inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, colite ulcéreuse…).
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Asthme : production excessive de leucotriènes → bronchospasmes et inflammation des voies respiratoires.
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Ulcère gastrique : inhibition des COX par les AINS → diminution des prostaglandines protectrices de la muqueuse gastrique.
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Thromboses : déséquilibre entre TXA2 (pro-coagulant) et PGI2 (anti-coagulant).
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Cancer : surexpression de COX-2 dans certaines tumeurs → favorise l’angiogenèse, la prolifération et l’inflammation locale.
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Accouchement prématuré : excès de prostaglandines responsables de contractions utérines précoces.
Ciblage thérapeutique des eicosanoïdes
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AINS (aspirine, ibuprofène, diclofénac...) : inhibent COX-1/2 → réduction de l’inflammation, de la douleur et de la fièvre.
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Coxibs (inhibiteurs sélectifs de COX-2) : limitent les effets secondaires gastriques mais peuvent augmenter le risque cardiovasculaire.
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Antagonistes des leucotriènes (montélukast) : utilisés dans l’asthme et les allergies.
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Analogues de prostaglandines : misoprostol (protection gastrique), latanoprost (glaucome), dinoprostone (induction du travail).
Conclusion
Les prostaglandines et eicosanoïdes sont des médiateurs lipidiques clés dans le maintien de l’homéostasie et la réponse aux agressions. Leur production rapide et localisée permet une réponse fine à divers stimuli. Une dérégulation de leur synthèse ou de leur activité est impliquée dans de nombreuses pathologies inflammatoires, respiratoires, cardiovasculaires et digestives. La compréhension de leur rôle biochimique a permis le développement de traitements ciblés et efficaces.