L’aquaculture, en pleine expansion à l’échelle mondiale, est confrontée à de nombreux défis sanitaires, dont les infections parasitaires. Ces pathologies représentent une menace importante pour la productivité des fermes piscicoles, la santé des poissons et la qualité des produits issus de l’élevage. Les parasites peuvent provoquer des mortalités massives, ralentir la croissance, affecter la reproduction et entraîner des pertes économiques considérables. Une compréhension approfondie des infections parasitaires chez les poissons d’élevage est donc essentielle pour mettre en œuvre une stratégie de prévention et de contrôle efficace.
Principaux types de parasites chez les poissons d’élevage
Les parasites des poissons d’élevage peuvent être classés en protozoaires, helminthes (vers), et crustacés parasites. Leur impact dépend de nombreux facteurs : densité de population, qualité de l’eau, espèce élevée, conditions climatiques et mesures sanitaires mises en place.
1. Protozoaires
Les protozoaires sont des parasites unicellulaires, souvent responsables d’infections cutanées ou branchiales.
– Ichthyophthirius multifiliis : responsable de la « maladie des points blancs », très fréquente en eau douce. Les poissons présentent des lésions blanches sur la peau et les nageoires, des frottements contre les parois, une respiration rapide et un comportement léthargique.
– Trichodina spp. : parasite des branchies et de la peau, provoque une irritation, une hyperproduction de mucus et une baisse de l’oxygénation.
– Costia (Ichthyobodo spp.) : parasite flagellé, souvent observé en cas de stress ou de mauvaise qualité de l’eau. Il provoque une perte d’appétit et une détérioration rapide des tissus cutanés.
– Amyloodinium spp. : parasite dinoflagellé en eau de mer, surtout chez les poissons marins. Responsable de troubles respiratoires et de mortalité rapide.
2. Helminthes
Les vers parasites, internes ou externes, causent des troubles digestifs, respiratoires et parfois systémiques.
– Monogènes : vers plats qui se fixent sur les branchies ou la peau (Dactylogyrus, Gyrodactylus). Ils se multiplient rapidement et provoquent de graves lésions tissulaires.
– Digènes : trematodes dont certaines formes larvaires (métacercaires) s’enkystent dans les muscles ou les organes.
– Cestodes (ténias) : vivent dans l’intestin, provoquent amaigrissement et altération de l’absorption des nutriments.
– Nématodes : vers ronds comme Camallanus ou Capillaria, présents dans le tube digestif. Certains sont visibles à l’œil nu dans les fèces.
3. Crustacés parasites
Ces parasites externes sont souvent responsables d’infections secondaires.
– Lernaea spp. (ver ancre) : crustacé parasite fixé sur la peau ou les branchies, laisse une plaie ouverte, propice aux infections bactériennes.
– Argulus spp. (pou de poisson) : parasite plat et mobile, suceur de sang, provoque des lésions cutanées, du stress et une perte d’appétit.
– Caligus spp. (poux de mer) : fréquent en élevage de saumons, cause des dommages sur les nageoires et la peau.
Modes de transmission des parasites en aquaculture
La transmission des parasites est favorisée par plusieurs facteurs :
– Haute densité de poissons dans les bassins ou cages, facilitant le contact direct
– Qualité d’eau dégradée (accumulation de déchets, carence en oxygène, température élevée)
– Présence d’hôtes intermédiaires (escargots, crustacés, oiseaux aquatiques)
– Stress chronique dû à la manipulation, au transport ou à des déséquilibres nutritionnels
– Systèmes de recirculation mal désinfectés
Signes cliniques des infections parasitaires
Les symptômes varient selon le type de parasite, mais on retrouve généralement :
– Frottements contre les parois (comportement de grattage)
– Respiration rapide, bouche ouverte
– Muqueuse en excès, branchies gonflées ou pâles
– Nage désordonnée ou station au fond de l’eau
– Amaigrissement progressif
– Présence visible de parasites (points blancs, vers rouges, lésions cutanées)
– Baisse de croissance ou de reproduction
– Augmentation de la mortalité
Méthodes de diagnostic des parasites chez les poissons
Un diagnostic précis est essentiel pour choisir le traitement adapté.
– Observation microscopique : grattage de la peau, des nageoires ou des branchies pour repérer les protozoaires ou monogènes
– Examen parasitologique interne : ouverture de l’intestin pour rechercher vers ou larves
– Coloration spécifique (Giemsa, Ziehl-Neelsen) pour les protozoaires intracellulaires
– PCR pour détecter des parasites intracellulaires ou non visibles (en laboratoires spécialisés)
– Histologie : étude des tissus infestés en cas de doute sur les localisations profondes
Stratégies de prévention des infections parasitaires
La prévention est la méthode la plus durable et rentable pour limiter l’impact des parasites en pisciculture.
1. Gestion de la qualité de l’eau
– Maintenir des paramètres stables : température, pH, oxygène dissous
– Élimination régulière des déchets organiques
– Filtration et désinfection de l’eau (UV, ozone, filtration mécanique)
– Surveillance des charges bactériennes et parasitaires
2. Biosécurité
– Quarantaine des nouveaux arrivants
– Désinfection des équipements (épuisettes, bacs, tuyaux)
– Interdiction d’introduire des poissons sauvages dans les bassins
– Contrôle des hôtes intermédiaires (limiter les escargots, les oiseaux, les crustacés parasites)
3. Prophylaxie sanitaire
– Suivi régulier de l’état sanitaire des poissons
– Programmes de dépistage et de surveillance parasitaire
– Utilisation de traitements préventifs en période à risque (début de saison chaude)
– Amélioration de la nutrition : aliments riches en vitamines A, C, E et oligo-éléments
Traitements des parasites en pisciculture
Lorsque l’infestation est avérée, différents traitements sont disponibles :
– Formol (formaline) : utilisé pour les protozoaires et les monogènes en bain
– Chloramine T, peroxyde d’hydrogène : pour désinfection externe
– Sel (chlorure de sodium) : en bain prolongé ou flash contre les parasites externes
– Trichlorfon, praziquantel, levamisole : pour les helminthes, selon la réglementation locale
– Traitements phytothérapeutiques : huiles essentielles (ail, eucalyptus), extraits végétaux utilisés de plus en plus en aquaculture durable
– Vaccins : encore en développement pour les parasites, mais prometteurs pour certaines espèces
Conclusion
Les infections parasitaires chez les poissons d’élevage représentent un enjeu majeur pour la santé aquacole. Une bonne connaissance des parasites, associée à une gestion rigoureuse de la qualité de l’eau, des pratiques de biosécurité strictes et une surveillance constante, permet de limiter les impacts sur la production. Dans une approche durable, la prévention reste la meilleure arme, complétée au besoin par des traitements bien ciblés, respectueux de la réglementation et de l’environnement.