La barrière hémato-encéphalique (BHE) est une structure fonctionnelle et histologique essentielle qui protège le système nerveux central (SNC) contre les substances toxiques, les agents pathogènes et les variations chimiques du sang. Elle permet une régulation précise de l’environnement extracellulaire cérébral, indispensable au fonctionnement neuronal. Observée au microscope électronique et optique, la BHE révèle une organisation fine et hautement sélective.
1. Localisation et généralités
La BHE se situe principalement au niveau des capillaires cérébraux non fenestrés. Elle est formée par les cellules qui composent la paroi vasculaire cérébrale, ainsi que par des éléments gliaux associés. Elle est absente dans certaines régions comme les organes circumventriculaires (ex. : éminence médiane, hypophyse postérieure) où une communication directe avec le sang est nécessaire.
2. Structure histologique de la barrière
Au microscope, la barrière hémato-encéphalique est constituée de plusieurs composants cellulaires et acellulaires agissant de manière synergique pour assurer sa fonction de filtre sélectif :
a) Endothélium cérébral
Les cellules endothéliales des capillaires cérébraux sont les éléments centraux de la BHE :
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Jonctions serrées (tight junctions) : visibles en microscopie électronique, elles empêchent le passage paracellulaire des molécules et forment une barrière physique imperméable.
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Absence de fenestrations : contrairement aux capillaires périphériques, ceux du SNC n'ont pas de pores.
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Faible activité de pinocytose : ce qui limite encore plus le transport passif.
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Présence de transporteurs spécifiques : comme GLUT1 (glucose), LAT1 (acides aminés), et des transporteurs d’efflux (P-glycoprotéine) qui expulsent les substances indésirables.
b) Membrane basale
Située sous les cellules endothéliales, la membrane basale est une lame fine de matrice extracellulaire riche en collagène IV, laminine et fibronectine. Elle sert de support structural et de filtre moléculaire supplémentaire. Elle peut être partagée avec les péricytes.
c) Péricytes
Les péricytes sont des cellules allongées, disposées le long de la membrane basale, partiellement intégrées à celle-ci. Elles jouent un rôle dans :
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La régulation du débit sanguin capillaire.
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Le maintien de la stabilité des jonctions endothéliales.
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L’angiogenèse et la réparation vasculaire.
d) Pieds astrocytaires
Les astrocytes envoient des prolongements cytoplasmiques appelés pieds astrocytaires ou expansions périvasculaires qui entourent les capillaires sur 90 à 95 % de leur surface. Bien qu’ils ne fassent pas partie directement de la barrière, ils régulent l’induction et l’entretien de la BHE par la libération de facteurs trophiques (ex. : VEGF, GDNF, bFGF). Ils participent aussi au couplage neurovasculaire et au métabolisme énergétique.
e) Microglie et rôle immunitaire
La microglie, bien que n’étant pas une composante structurelle de la BHE, intervient dans sa surveillance immunitaire. En cas d’inflammation ou d’atteinte pathologique, elle peut contribuer à la rupture de la barrière en libérant des cytokines pro-inflammatoires.
3. Fonctions physiologiques de la BHE
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Protection contre les toxines et agents pathogènes : la BHE limite l’entrée des bactéries, virus et substances toxiques.
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Homéostasie du microenvironnement neuronal : régulation du pH, des ions et des neurotransmetteurs.
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Transport sélectif : permet l’entrée contrôlée de nutriments (glucose, acides aminés) et l’évacuation des déchets.
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Prévention de l’activation immunitaire excessive dans le SNC.
4. Altérations pathologiques
La BHE peut être compromise dans plusieurs affections neurologiques :
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Traumatismes crâniens : ouverture des jonctions serrées.
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Maladies neurodégénératives (Alzheimer, sclérose en plaques) : perte de sélectivité.
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Tumeurs cérébrales : néovascularisation avec capillaires perméables.
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Infections du SNC : comme la méningite ou l’encéphalite.
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Hypertension chronique : endommagement de la microcirculation cérébrale.
Ces altérations peuvent entraîner une perméabilité accrue, favorisant l’inflammation, l’œdème cérébral ou l’entrée de molécules toxiques.
Conclusion
La barrière hémato-encéphalique est une structure histologique fine mais cruciale, formée d’un endothélium spécialisé, de péricytes, de la membrane basale et d’astrocytes. Elle joue un rôle central dans la protection du cerveau et le maintien de son environnement interne. Son étude en histologie permet de comprendre les mécanismes de nombreuses pathologies neurologiques et représente un enjeu majeur pour le développement de médicaments ciblés capables de franchir cette barrière sélective.