Techniques de piégeage pour l’étude des mammifères

 L’étude des mammifères dans leur habitat naturel est un enjeu majeur pour la recherche en écologie, la conservation de la biodiversité et la compréhension des dynamiques des écosystèmes. Pour collecter des données fiables sur la répartition, l’abondance, le comportement ou la santé des mammifères sauvages, les chercheurs ont recours à différentes techniques de piégeage. Ces méthodes, bien qu’efficaces, doivent être choisies et appliquées avec rigueur afin de respecter les normes éthiques et d’assurer la sécurité des animaux capturés. Cet article présente les principales techniques de piégeage utilisées dans l’étude des mammifères, leurs avantages, leurs limites, ainsi que les précautions à prendre pour garantir des résultats fiables et éthiques.

Le piégeage en écologie : principes généraux

Le piégeage consiste à capturer temporairement un animal afin de l’identifier, de le mesurer, de le marquer ou de prélever des échantillons biologiques. Il existe deux grandes catégories de piégeage : le piégeage direct, qui permet la capture physique de l’animal, et le piégeage indirect, qui consiste à enregistrer la présence de l’animal sans le capturer, comme avec des pièges photographiques ou des capteurs à ultrasons. Le choix de la méthode dépend des objectifs de l’étude, du type d’espèce ciblée (taille, comportement, régime alimentaire), de l’environnement (forêt, désert, montagne) et des contraintes logistiques. Il est essentiel d’obtenir les autorisations nécessaires, notamment auprès des autorités locales et des comités d’éthique animale.

Les pièges vivants

Les pièges vivants sont des dispositifs qui capturent l’animal sans le blesser, permettant ensuite sa libération. Ils sont largement utilisés pour les petits et moyens mammifères.

Les pièges Sherman : ce sont des boîtes métalliques rectangulaires utilisées pour capturer de petits mammifères comme les souris, les musaraignes ou les campagnols. Ils fonctionnent avec un système de déclenchement par appât. Leur légèreté et leur efficacité en font des outils de choix pour les études de population. Toutefois, leur petite taille les rend inadaptés aux espèces plus grandes.

Les pièges Tomahawk et Havahart : plus robustes et de plus grande taille, ces pièges en grillage métallique permettent de capturer des mammifères plus grands tels que les ratons laveurs, les belettes ou les petits carnivores. Ils sont souvent utilisés dans les études de suivi sanitaire ou de comportement.

Les pièges en fosse (pitfall traps) : il s’agit de récipients enterrés au ras du sol, souvent utilisés en ligne ou en réseau, dans lesquels les petits mammifères tombent en se déplaçant. Ils sont efficaces pour capturer des espèces discrètes et fouisseuses, mais peuvent présenter des risques pour l’animal s’ils ne sont pas régulièrement surveillés.

Les pièges passifs indirects

Les pièges passifs sont conçus pour détecter la présence d’un animal sans nécessiter sa capture physique. Ils sont utiles pour les espèces rares, difficiles à capturer ou menacées.

Les pièges photographiques (camera traps) : ces caméras à capteur de mouvement ou de chaleur sont installées sur des trajets fréquentés par les mammifères. Lorsqu’un animal passe devant, la caméra prend une photo ou enregistre une vidéo. Cette méthode non invasive est très utilisée pour les études de comportement, de présence/absence ou de densité des espèces. Elle permet aussi d’étudier les espèces nocturnes et très discrètes.

Les pièges à poils (hair traps) : il s’agit de dispositifs qui retiennent quelques poils lorsqu’un animal passe à proximité. Ces poils peuvent ensuite être analysés génétiquement pour identifier l’espèce, voire l’individu. Cette méthode est notamment utilisée pour les grands carnivores comme le lynx ou l’ours.

Les pièges à odeurs et leurres : dans certains cas, des leurres olfactifs ou alimentaires sont utilisés pour attirer les mammifères dans une zone d’observation. Combinés à des caméras ou à des capteurs, ils permettent d’augmenter les probabilités de détection sans piégeage direct.

Les filets et nasses

Certaines espèces, notamment les chauves-souris, nécessitent des méthodes de capture spécifiques.

Les filets japonais (mist nets) : utilisés principalement pour capturer les chauves-souris ou les petits oiseaux, ces filets très fins sont tendus entre des poteaux dans les zones de vol. Ils sont efficaces pour les études de diversité, de morphologie et de virologie. Cependant, ils nécessitent une surveillance constante pour éviter le stress ou les blessures.

Les harpes à chauves-souris (bat harp traps) : ce sont des cadres avec des fils verticaux qui redirigent les chauves-souris dans un sac de capture. Moins stressants que les filets, ils sont souvent préférés dans les stations fixes.

Les techniques de marquage après capture

Le piégeage est souvent associé à des techniques de marquage pour le suivi des individus. On distingue plusieurs types de marquages :

  • Marquage temporaire : peinture, colorant, marque au feutre. Utilisé pour des études à court terme.

  • Marquage permanent : bagues, puces électroniques, émetteurs radio ou GPS. Ces méthodes permettent le suivi à long terme des déplacements, des comportements ou des interactions sociales.

Chaque méthode doit être choisie en fonction du type d’étude, en minimisant le stress pour l’animal et en assurant la fiabilité des données.

Éthique et réglementation

Toutes les techniques de piégeage doivent répondre à des critères éthiques stricts. Il est impératif de :

  • Limiter la souffrance animale : surveillance fréquente des pièges, manipulation délicate, libération rapide.

  • Avoir des autorisations légales : permis de capture, autorisation éthique, accords avec les autorités locales.

  • Former les équipes de terrain : manipulation des pièges, sécurité, soins aux animaux blessés.

  • Réduire les biais de capture : varier les méthodes et les lieux, éviter les périodes extrêmes (canicule, gel), adapter les appâts selon l’espèce ciblée.

Avantages et limites des différentes méthodes

Chaque technique a ses forces et ses faiblesses. Les pièges vivants permettent un accès direct à l’animal pour les mesures ou les prélèvements, mais nécessitent beaucoup d’efforts humains et logistiques. Les pièges passifs, eux, sont moins invasifs et peuvent fonctionner longtemps sans intervention, mais ils ne permettent pas toujours l’identification individuelle. Le choix de la méthode dépend donc d’un équilibre entre efficacité scientifique, respect du bien-être animal, contraintes du terrain et budget disponible.

Conclusion

Les techniques de piégeage pour l’étude des mammifères sont des outils indispensables en écologie de terrain. Leur utilisation judicieuse permet d’obtenir des données précieuses sur la biodiversité, les interactions écologiques, les menaces pesant sur certaines espèces, et les dynamiques des populations. Toutefois, leur mise en œuvre exige rigueur, éthique et adaptation permanente aux spécificités de chaque espèce et de chaque écosystème. Le développement de nouvelles technologies, comme les capteurs automatisés ou la génétique environnementale, ouvre également la voie à des méthodes de plus en plus efficaces, non invasives et respectueuses du vivant.

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