Les amphibiens constituent un groupe d’animaux particulièrement sensibles aux perturbations environnementales, ce qui en fait d’excellents bioindicateurs de la qualité des écosystèmes. Étudier leur diversité, leur abondance, leur comportement et leur état sanitaire est essentiel pour les programmes de conservation. Pour cela, il est souvent nécessaire de capturer temporairement les individus dans leur milieu naturel, de les examiner, puis de les relâcher. Les méthodes de capture et de relâchement des amphibiens doivent être choisies avec soin afin d’assurer la sécurité des animaux, la fiabilité des données collectées et le respect des normes éthiques. Dans cet article, nous présentons les principales techniques utilisées pour la capture et le relâchement des amphibiens, leurs avantages et leurs limites, ainsi que les précautions à prendre sur le terrain.
Principes généraux de la capture des amphibiens
La capture d’amphibiens se pratique principalement dans le cadre de recherches scientifiques, de suivis écologiques, ou de programmes de conservation. Elle concerne essentiellement les anoures (grenouilles, crapauds) et les urodèles (tritons, salamandres). Ces animaux étant généralement petits, fragiles et dépendants de milieux humides, leur manipulation nécessite des méthodes douces, adaptées à leur biologie. Les techniques de capture varient selon l’espèce ciblée, le stade de développement (larve, juvénile, adulte), l’habitat (mare, ruisseau, forêt, prairie) et le moment de la journée ou de la saison.
La capture peut se faire de manière active, où l’observateur recherche activement les individus, ou de façon passive, en installant des dispositifs de piégeage temporaire. Dans tous les cas, les amphibiens doivent être relâchés rapidement après manipulation, au même endroit où ils ont été trouvés, et dans des conditions optimales.
Méthodes de capture active
Les méthodes de capture active sont les plus simples à mettre en œuvre. Elles consistent à rechercher les amphibiens dans leur habitat naturel, de jour comme de nuit, en utilisant divers outils.
Capture à la main : c’est la méthode la plus directe. Elle s’effectue souvent de nuit, à l’aide d’une lampe frontale, lorsque les amphibiens sont actifs. Elle est particulièrement adaptée aux espèces lentes ou facilement observables. Il est conseillé de porter des gants en nitrile pour éviter de transmettre des agents pathogènes ou des substances chimiques via la peau humaine.
Utilisation d’épuisettes : pour les amphibiens aquatiques, notamment les larves et les tritons, les épuisettes sont très efficaces. Elles permettent de prospecter les mares, les fossés ou les ruisseaux. Les captures doivent être rapides et douces pour ne pas blesser les animaux. Après observation, les individus sont placés dans des contenants humides avant leur relâchement.
Recherche sous les abris naturels : les amphibiens diurnes ou discrets se cachent souvent sous les pierres, les rondins ou les feuilles mortes. Le retournement de ces éléments peut permettre leur détection, à condition de remettre les abris en place immédiatement pour ne pas perturber l’habitat.
Méthodes de capture passive
Les méthodes passives permettent de capturer les amphibiens sans intervention directe permanente. Elles sont utiles pour les études de population à long terme ou lorsque les espèces sont difficiles à observer.
Pièges-puits (pitfall traps) : ces pièges sont constitués de seaux ou de récipients enfoncés dans le sol, dans lesquels tombent les amphibiens en déplacement. Ils sont souvent reliés par des barrières de guidage (filets ou tôles) qui dirigent les animaux vers le piège. Cette méthode est très efficace pour les déplacements terrestres, notamment lors des migrations saisonnières. Les pièges doivent être vérifiés quotidiennement pour éviter le stress, la prédation ou la déshydratation.
Tubes ou boîtes abris : certains dispositifs consistent à placer des abris artificiels (tuiles, planches, tubes PVC) que les amphibiens utilisent comme cachettes. Ces abris sont ensuite vérifiés régulièrement. Cette méthode est peu intrusive et permet de suivre les populations sur le long terme.
Filets dérivants en milieu aquatique : utilisés principalement pour les tritons et les larves aquatiques, ces filets sont tendus dans les cours d’eau ou les mares pour intercepter les déplacements. Ils nécessitent une surveillance fréquente et un entretien rigoureux.
Méthodes de relâchement
Le relâchement des amphibiens capturés est une étape essentielle qui doit être réalisée avec prudence. Les règles suivantes doivent être respectées :
-
Relâcher les individus au même endroit que la capture : cela permet d’éviter toute désorientation ou perturbation des comportements territoriaux ou reproducteurs.
-
Éviter de manipuler les animaux à mains nues : les gants en nitrile protègent la peau sensible des amphibiens des substances toxiques (crème solaire, répulsifs, sueur humaine).
-
Maintenir les animaux humides : les amphibiens respirent en partie par leur peau. Il est important de les conserver dans un contenant humide (boîte avec mousse humide ou essuie-tout) pendant la manipulation.
-
Limiter le temps de manipulation : plus le temps passé en captivité est court, moins l’animal est stressé. Toutes les opérations (mesures, marquage, photos) doivent être effectuées rapidement et efficacement.
Équipement nécessaire pour le terrain
Pour une campagne de capture et relâchement réussie, un minimum d’équipement est recommandé :
-
Gants en nitrile à usage unique
-
Lampe frontale pour les captures nocturnes
-
Épuisette à mailles fines
-
Seaux ou boîtes ventilées
-
Récipients humides pour le transport temporaire
-
Fiches de relevés et matériel de marquage éventuel (par exemple : élastomères, PIT tags)
-
Matériel de désinfection (eau de Javel diluée) pour éviter la transmission de maladies comme la chytridiomycose
Considérations éthiques et réglementaires
Comme tout travail impliquant des animaux sauvages, les captures d’amphibiens doivent être réalisées dans le respect des réglementations nationales et internationales. En France, par exemple, la plupart des amphibiens sont des espèces protégées, et toute capture nécessite une autorisation délivrée par la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement).
Il est également impératif d’obtenir l’accord d’un comité d’éthique si les recherches impliquent des manipulations expérimentales. Les chercheurs doivent également se former aux bonnes pratiques de manipulation, notamment pour éviter la propagation de pathogènes comme Batrachochytrium dendrobatidis, responsable de la chytridiomycose, une maladie mortelle pour de nombreuses espèces.
Avantages et limites des différentes méthodes
Les méthodes actives sont simples, peu coûteuses, mais limitées par la visibilité et la disponibilité des espèces. Les méthodes passives, bien qu’exigeantes en installation, permettent une collecte de données à long terme, parfois sans présence humaine constante. Cependant, aucune méthode n’est universelle, et leur combinaison est souvent la meilleure stratégie pour obtenir des résultats représentatifs.
Conclusion
La capture et le relâchement des amphibiens constituent des pratiques fondamentales pour la recherche et la conservation. Elles permettent de collecter des données précieuses sur les populations, les déplacements, les cycles de vie ou l’état sanitaire des espèces. Toutefois, ces méthodes exigent rigueur, éthique, respect de la réglementation et formation du personnel impliqué. À l’heure où les amphibiens figurent parmi les groupes les plus menacés au niveau mondial, il est plus que jamais nécessaire d’adopter des pratiques de terrain responsables, respectueuses du vivant, et scientifiquement solides.