Techniques d’immunohistochimie

 L’immunohistochimie (IHC) est une technique essentielle en histopathologie qui permet la détection spécifique de molécules (protéines, antigènes) au sein des tissus, grâce à l’utilisation d’anticorps marqués. Cette méthode combine la spécificité immunologique avec la localisation histologique, offrant un outil puissant pour le diagnostic, la classification tumorale, et la recherche biomédicale. Cet article propose une présentation complète des techniques d’immunohistochimie, des principes fondamentaux aux différentes méthodes, en passant par les applications cliniques et les innovations technologiques.

1. Principes fondamentaux de l’immunohistochimie

L’IHC repose sur la capacité des anticorps à reconnaître spécifiquement un antigène (protéine d’intérêt) présent dans les coupes de tissu fixées. Le processus comprend plusieurs étapes clés :

  • Fixation et préparation du tissu : conservation de la morphologie et des antigènes.

  • Blocage des sites non spécifiques : pour réduire le bruit de fond.

  • Incubation avec l’anticorps primaire : qui se lie à l’antigène ciblé.

  • Détection : utilisation d’un anticorps secondaire couplé à un marqueur (enzyme, fluorochrome) pour visualiser le complexe antigène-anticorps.

  • Révélation : coloration chromogène (ex. diaminobenzidine DAB) ou fluorescence.

  • Observation au microscope.

2. Préparation des échantillons

a) Fixation

  • Fixateurs courants : formol neutre tamponné (10 %) est le plus utilisé.

  • Une fixation optimale préserve la morphologie tissulaire et les épitopes antigéniques.

b) Inclusion

  • Tissus inclus en paraffine.

  • Sections coupées entre 3 et 5 microns d’épaisseur.

c) Déparaffinage et réhydratation

  • Essentiel pour retirer la paraffine et préparer le tissu à la coloration.

3. Récupération des antigènes (Antigen retrieval)

  • Fixation peut masquer les épitopes antigéniques.

  • Techniques pour révéler les antigènes :

    • Récupération par chaleur (HIER) : chauffage des coupes dans un tampon (citrate, EDTA) à haute température (micro-ondes, bain-marie).

    • Récupération enzymatique : digestion par enzymes (trypsine, pronase).

  • Choix de la méthode dépend de l’antigène.

4. Blocage des réactions non spécifiques

  • Utilisation de sérums ou solutions protéiques (BSA, lait) pour saturer les sites non spécifiques.

  • Empêche la liaison non spécifique des anticorps et réduit le fond.

5. Anticorps utilisés en immunohistochimie

a) Anticorps primaires

  • Spécifiques à l’antigène recherché.

  • Polyclonaux (reconnaissent plusieurs épitopes) ou monoclonaux (un épitope spécifique).

b) Anticorps secondaires

  • Se lient à l’anticorps primaire.

  • Généralement conjugués à une enzyme (peroxydase de raifort HRP, phosphatase alcaline AP) ou à un fluorochrome.

6. Systèmes de détection

a) Méthode directe

  • L’anticorps primaire est directement conjugué à un marqueur.

  • Moins sensible, rarement utilisée.

b) Méthode indirecte

  • Anticorps primaire non conjugué.

  • Anticorps secondaire marqué reconnaissant l’anticorps primaire.

  • Plus sensible grâce à l’amplification du signal.

c) Méthodes amplifiées

  • ABC (Avidin-Biotin Complex) : avidine se lie fortement à la biotine sur l’anticorps secondaire, amplifiant le signal.

  • Polymer-based detection : polymères couplés à plusieurs enzymes augmentent la sensibilité.

  • Tyramide signal amplification (TSA) : amplification enzymatique très puissante.

7. Révélateurs chromogènes et fluorescence

  • Chromogènes : DAB produit un dépôt brun visible en microscopie optique.

  • Autres chromogènes : AEC (rouge), VIP (violet).

  • Fluorochromes : FITC, Texas Red, Alexa Fluor — observation en microscopie à fluorescence.

8. Contre-coloration

  • Utilisée pour colorer le noyau (ex. hématoxyline) afin de mieux visualiser la morphologie cellulaire.

9. Applications cliniques de l’IHC

  • Diagnostic tumorale : classification histologique, identification de la lignée cellulaire (marqueurs épithéliaux, mésenchymateux, lymphoïdes).

  • Pronostic et ciblage thérapeutique : détection des récepteurs hormonaux (ER, PR), HER2 dans le cancer du sein.

  • Diagnostic différentiel : distinguer lésions bénignes et malignes.

  • Identification des agents infectieux : détection virale ou bactérienne.

  • Recherches biomédicales : étude de l’expression protéique.

10. Contrôles en immunohistochimie

  • Contrôle positif : tissu connu exprimant l’antigène.

  • Contrôle négatif : suppression de l’anticorps primaire pour détecter le fond non spécifique.

11. Problèmes et limitations

  • Fixation inadaptée entraînant perte d’épitope.

  • Liaison non spécifique, fond élevé.

  • Variabilité entre lots d’anticorps.

  • Nécessité d’optimisation pour chaque antigène.

12. Innovations et techniques avancées

  • Double marquage : détection simultanée de deux antigènes.

  • Immunofluorescence multiplex : plusieurs fluorochromes pour analyser de multiples cibles.

  • Imagerie numérique : analyse quantitative et automatisée des résultats.

  • CyTOF et spatial transcriptomics : combinaisons avec des techniques de haute résolution.

Conclusion

Les techniques d’immunohistochimie constituent un pilier fondamental de la pathologie moderne, offrant une vision précise de la distribution et de l’expression des antigènes au sein des tissus. La maîtrise de ces méthodes, de la préparation à la détection, est essentielle pour un diagnostic fiable et un suivi adapté des maladies. Les innovations technologiques promettent une amélioration continue de la sensibilité, de la spécificité, et de la polyvalence de l’IHC dans les années à venir.

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