Le dosage de l’activité enzymatique est une étape essentielle en biochimie pour quantifier la capacité d’une enzyme à catalyser une réaction spécifique. Cette évaluation permet de suivre une purification enzymatique, de comparer des isoenzymes, d’étudier la cinétique enzymatique ou de contrôler la qualité d’un lot industriel. Il existe différentes méthodes de dosage, basées sur la détection du substrat consommé ou du produit formé, selon des principes spectrophotométriques, fluorimétriques, radiométriques ou colorimétriques. Cet article présente les principales techniques de dosage de l’activité enzymatique, leurs applications et leurs avantages respectifs.
1. Principes généraux du dosage enzymatique
1.1 Définition de l’activité enzymatique
-
L’activité enzymatique est la quantité d’enzyme qui transforme une quantité donnée de substrat par unité de temps.
-
Elle s’exprime en unités enzymatiques (U) : 1 U = quantité d’enzyme transformant 1 µmol de substrat/min.
1.2 Conditions de mesure
-
Température, pH, force ionique et concentration du substrat doivent être standardisées.
-
On utilise souvent les conditions optimales d’activité (pH et température optimum).
-
La mesure se fait en conditions initiales (vitesse initiale, substrat non limitant).
1.3 Activité spécifique
-
Rapport entre l’activité totale (U) et la masse de protéines (mg).
-
Permet de suivre la pureté d’une enzyme au cours de sa purification.
2. Méthodes spectrophotométriques
2.1 Principe
-
Suivent l’absorbance à une longueur d’onde spécifique, liée à la formation ou à la disparition d’un composé absorbant.
2.2 Mesure directe du produit
-
Exemple : formation de NADH (absorbance à 340 nm).
-
Utilisée pour les déshydrogénases (ex : lactate déshydrogénase, alcool déshydrogénase).
2.3 Mesure du substrat
-
Disparition du substrat initial absorbant (ex : ABTS dans les réactions peroxydasiques).
-
Applicable quand le substrat perd son absorption au cours de la réaction.
2.4 Mesure couplée
-
Utilisation d’une enzyme secondaire pour convertir un produit non détectable en un composé mesurable.
-
Exemple : glucose oxydase + peroxydase → coloration mesurée à 450 nm.
3. Méthodes colorimétriques
3.1 Principe
-
Détection de la formation d’un produit coloré par réaction chimique après transformation enzymatique.
-
Nécessitent souvent une réaction d’arrêt ou une révélation.
3.2 Exemples
-
Phosphatases : libèrent du p-nitrophénol à partir du p-nitrophénylphosphate (pNPP), mesuré à 405 nm.
-
Protéases : libèrent des peptides colorés à partir de substrats chromogènes.
3.3 Avantages
-
Simples, peu coûteuses, compatibles avec des lectures en microplaque.
-
Peu sensibles aux interférences si les conditions sont bien contrôlées.
4. Méthodes fluorimétriques
4.1 Principe
-
Reposent sur la formation ou la disparition d’un composé fluorescent.
-
Plus sensibles que les méthodes colorimétriques.
4.2 Exemples
-
Substrats fluorogéniques comme AMC (7-amino-4-méthylcoumarine) libéré par les protéases.
-
Utilisation de fluorescéine ou de resorufine dans des réactions couplées.
4.3 Applications
-
Dosage à très faible concentration (enzyme purifiée, études de trace).
-
Études cinétiques en temps réel.
5. Méthodes radiométriques
5.1 Principe
-
Utilisent des substrats marqués par des isotopes radioactifs (³H, ¹⁴C, ³²P).
-
Mesurent l’incorporation, la libération ou la transformation du marqueur.
5.2 Exemples
-
Kinases : transfert de ³²P de l’ATP vers un substrat.
-
Polymérases : incorporation de ³H-dNTPs dans l’ADN.
5.3 Avantages et inconvénients
-
Très sensibles mais nécessitent des équipements spécialisés, des précautions de sécurité et des protocoles réglementés.
6. Méthodes électrochimiques
6.1 Principe
-
Basées sur la variation de potentiel redox lors d’une réaction enzymatique.
-
Utilisées pour des enzymes oxydoréductases.
6.2 Applications
-
Détection de glucose par glucose oxydase dans les glucomètres.
-
Études de biosenseurs enzymatiques.
7. Méthodes calorimétriques
7.1 Principe
-
Mesure de la chaleur produite par la réaction enzymatique.
-
Utilisation de microcalorimètres pour détecter des réactions très faibles.
7.2 Usage
-
Études thermodynamiques des réactions enzymatiques.
-
Utilisation plus fréquente en recherche fondamentale qu’en routine.
8. Choix de la méthode adaptée
Critère | Méthode recommandée |
---|---|
Haute sensibilité | Fluorimétrie, radiométrie |
Simplicité | Colorimétrie, spectrophotométrie |
Études in situ | Électrochimie, fluorimétrie |
Analyse de routine | Méthodes colorimétriques sur microplaques |
Études de trace | Radiométrie |
9. Exemples d’application
-
Suivi de purification enzymatique : spectrophotométrie à 340 nm (NADH).
-
Détection d’enzymes dans des échantillons cliniques : CK, ALP, LDH par colorimétrie.
-
Développement de médicaments : inhibition enzymatique mesurée par fluorimétrie.
-
Dosage industriel d’enzymes : contrôle qualité de produits enzymatiques (amylases, lipases, cellulases).
Conclusion
Le dosage de l’activité enzymatique repose sur une large variété de techniques, chacune adaptée à des contextes expérimentaux précis. Le choix de la méthode dépend des propriétés de l’enzyme, de la sensibilité recherchée et des ressources disponibles. Ces techniques sont essentielles non seulement pour la recherche en enzymologie, mais aussi pour les applications médicales, pharmaceutiques, industrielles et diagnostiques.