La spectrophotométrie UV-visible est l’une des techniques analytiques les plus utilisées en biochimie, en recherche biomédicale et en biochimie clinique. Elle permet d’analyser la concentration, la pureté, la structure ou l’activité d’un composé biologique en mesurant sa capacité à absorber la lumière dans la région ultraviolette (UV : 190–400 nm) et visible (400–800 nm) du spectre électromagnétique. Grâce à sa simplicité, sa rapidité et sa grande précision, elle est devenue indispensable pour l’analyse de protéines, d’acides nucléiques, d’enzymes, de métabolites et de nombreux biomarqueurs.
Ce document explore en détail les principes fondamentaux, les paramètres critiques, les types d’applications biochimiques, ainsi que les avancées technologiques liées à la spectrophotométrie UV-visible.
Principes fondamentaux de la spectrophotométrie UV-visible
Loi de Beer-Lambert
La spectrophotométrie repose sur la loi de Beer-Lambert, qui exprime une relation linéaire entre l’absorbance (A) et la concentration (C) d’un analyte dans une solution :
A = ε × l × C
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A : absorbance (sans unité)
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ε : coefficient d’extinction molaire (L·mol⁻¹·cm⁻¹)
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l : longueur du trajet optique (cm)
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C : concentration de la solution (mol/L)
Cette relation permet de quantifier des substances en solution à partir de leur capacité à absorber la lumière à une longueur d’onde donnée.
Spectres d’absorption
Chaque molécule présente un spectre d’absorption caractéristique. Par exemple :
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L’ADN présente une absorption maximale à 260 nm
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Les protéines, à cause des résidus aromatiques (tryptophane, tyrosine), absorbent principalement à 280 nm
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Les coenzymes (NADH, FAD, etc.) ont aussi des pics caractéristiques dans l’UV-visible
Matériel utilisé
Spectrophotomètre UV-visible
Un spectrophotomètre UV-visible comprend :
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Source lumineuse : lampe deutérium pour l’UV et tungstène pour le visible
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Monochromateur : sélectionne une longueur d’onde précise
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Cuvette : généralement en quartz pour l’UV
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Détecteur : mesure l’intensité lumineuse transmise
Les appareils modernes permettent des mesures multiples en microplaques, des balayages de spectres, et sont souvent couplés à des logiciels d’analyse.
Applications en biochimie
1. Dosage des acides nucléiques
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ADN/ARN : mesurés à 260 nm. La pureté est souvent évaluée par le rapport A260/A280 (idéalement autour de 1,8 pour l’ADN)
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Contaminations : une absorbance élevée à 280 nm indique la présence de protéines, tandis qu’à 230 nm elle suggère la présence de sels ou de phénol
2. Analyse des protéines
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Les protéines absorbent à 280 nm via les résidus aromatiques
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Le coefficient d’extinction peut être calculé selon la composition en acides aminés, ou mesuré empiriquement
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Les méthodes colorimétriques (Bradford, Lowry, BCA) utilisent des complexes colorés détectés en spectrophotométrie visible (ex. : 595 nm pour Bradford)
3. Cinétique enzymatique
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L’activité enzymatique est suivie en temps réel en mesurant l’apparition ou la disparition d’un produit absorbant la lumière (ex. : NADH à 340 nm)
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La spectrophotométrie UV-visible permet de déterminer des constantes cinétiques (Km, Vmax)
4. Dosage des métabolites
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Le glucose, le cholestérol, l’urée ou la créatinine peuvent être dosés par des réactions enzymatiques générant un produit coloré
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Ces produits sont mesurés par absorbance dans la zone visible (500–600 nm selon les réactifs)
5. Étude des coenzymes et pigments biologiques
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NADH, FAD, hème et autres cofacteurs absorbent dans l’UV-visible
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L’étude de ces composés permet de suivre les cycles métaboliques, la respiration cellulaire et les réactions d’oxydoréduction
Avantages de la spectrophotométrie UV-visible
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Méthode non destructive
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Rapide et peu coûteuse
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Grande sensibilité
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Large domaine d’applications
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Quantification en temps réel possible
Limites de la méthode
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Nécessite des solutions claires et homogènes
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Les interférences optiques (turbidité, bulles, contaminants) peuvent fausser les résultats
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Nécessite une bonne calibration des instruments et des réactifs spécifiques
Innovations et perspectives
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Spectrophotométrie à fibre optique : plus flexible, pour les analyses in situ
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Microvolume UV : sans cuvette, pour des volumes de 1 à 2 µL (ex : Nanodrop)
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Automatisation : intégration dans les plateformes de diagnostic haut débit
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Spectroscopie dérivée : améliore la sensibilité et sépare les signaux superposés
Utilisation en milieu clinique
En biochimie clinique, la spectrophotométrie est utilisée quotidiennement dans :
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Le bilan hépatique (bilirubine, enzymes hépatiques)
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Le profil lipidique (cholestérol, triglycérides)
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Le suivi du diabète (glucose sanguin)
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Le bilan rénal (créatinine, urée)
Conclusion
La spectrophotométrie UV-visible est une pierre angulaire des analyses biochimiques modernes. Que ce soit pour la recherche fondamentale ou le diagnostic clinique, cette méthode offre une solution fiable et polyvalente pour quantifier, caractériser ou suivre des biomolécules dans des échantillons biologiques. Son efficacité, combinée aux évolutions technologiques, en fait un outil incontournable dans la compréhension et la surveillance des processus biologiques.