La polydactylie et la syndactylie sont des malformations congénitales des membres caractérisées respectivement par la présence de doigts ou orteils supplémentaires (polydactylie) et par la fusion anormale de deux ou plusieurs doigts ou orteils (syndactylie). Ces anomalies affectent la morphogenèse des membres et résultent d’une perturbation des processus embryonnaires complexes qui régulent la formation digitale. Comprendre leur origine embryologique est essentiel pour le diagnostic, la prise en charge et la prévention.
Développement embryologique des membres
La formation des membres commence dès la 4e semaine de gestation par l’apparition des bourgeons des membres supérieurs et inférieurs. Ces bourgeons sont composés d’une couche externe ectodermique appelée la zone apicale ectodermique (ZAE) et d’un tissu mésenchymateux sous-jacent provenant du mésoderme latéral.
La croissance et la morphogenèse des doigts se déroulent grâce à des interactions complexes entre la ZAE et la zone de progressions sous-jacente (ZPS), qui contrôle la prolifération cellulaire et la différenciation.
Origine embryologique de la polydactylie
La polydactylie résulte d’une duplication ou d’une expansion anormale des structures digitales. Elle est liée à des perturbations dans les signaux morphogénétiques qui régulent l’axe antéro-postérieur (axe du pouce vers l’auriculaire) du membre.
Le facteur clé est la voie de signalisation Sonic Hedgehog (SHH) exprimée dans la zone appelée « zone de polarisation postérieure » (ZPP) du bourgeon de membre. Une surexpression ou une expansion de SHH peut entraîner la formation de doigts supplémentaires. D’autres voies comme Wnt et FGF interviennent également dans la régulation de ce processus.
Origine embryologique de la syndactylie
La syndactylie est due à un défaut d’apoptose (mort cellulaire programmée) entre les doigts durant la période de morphogenèse digitale, entre la 6e et la 8e semaine de gestation. Normalement, l’apoptose élimine les tissus interdigitaux pour séparer les doigts.
La perturbation des voies moléculaires qui contrôlent l’apoptose, notamment BMP (Bone Morphogenetic Proteins) et FGF (Fibroblast Growth Factor), peut empêcher cette séparation, conduisant à une fusion partielle ou complète des doigts ou orteils.
Facteurs génétiques et moléculaires
La polydactylie et la syndactylie peuvent être isolées ou associées à des syndromes génétiques. Plusieurs gènes sont impliqués, tels que GLI3, ZRS, HOXD13, responsables de la régulation des voies SHH et BMP.
Ces anomalies peuvent aussi résulter de mutations ponctuelles, délétions ou duplications chromosomiques affectant ces gènes.
Classification clinique
Polydactylie
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Polydactylie pré-axiale : doigts supplémentaires du côté radial (pouce).
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Polydactylie post-axiale : doigts supplémentaires du côté ulnaire (auriculaire).
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Polydactylie centrale : doigts supplémentaires situés entre les doigts principaux (rare).
Syndactylie
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Syndactylie simple : fusion cutanée sans os commun.
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Syndactylie complexe : fusion des os et tissus mous.
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Syndactylie complète ou incomplète selon l’étendue de la fusion.
Diagnostic et prise en charge
Le diagnostic se fait généralement à la naissance par examen clinique et radiologique. Le traitement est chirurgical, visant à séparer les doigts fusionnés ou à enlever les doigts surnuméraires pour améliorer la fonction et l’esthétique.
Conclusion
La polydactylie et la syndactylie sont des anomalies du développement embryonnaire des membres résultant de perturbations des voies morphogénétiques cruciales telles que SHH et BMP. Une meilleure compréhension de leur origine embryologique facilite le diagnostic, la prise en charge et la recherche de thérapies ciblées.