Parasites sanguins chez les patients immunodéprimés

 Chez les patients immunodéprimés, les infections opportunistes sont fréquentes et parfois graves. Parmi elles, les parasitoses sanguines représentent un risque majeur en raison de leur potentiel à provoquer des complications sévères. Ces infections parasitaires, parfois bénignes chez les sujets immunocompétents, peuvent devenir fatales dans un contexte de déficit immunitaire. Cet article propose un tour d’horizon des principaux parasites sanguins affectant les patients immunodéprimés, leurs modes de transmission, leurs manifestations cliniques et les stratégies de prise en charge adaptées.

1. Immunodépression et susceptibilité accrue aux parasitoses

Les états d’immunodépression favorisent la multiplication, la dissémination et la persistance des parasites sanguins. Les catégories de patients les plus à risque incluent :

  • Patients atteints du VIH/SIDA

  • Patients greffés (organe solide ou moelle osseuse)

  • Patients sous chimiothérapie ou immunosuppresseurs

  • Patients splénectomisés

  • Nourrissons prématurés ou dénutris

Le déficit de l’immunité cellulaire (LT-CD4, macrophages) est particulièrement critique dans la lutte contre les parasites intracellulaires.

2. Principaux parasites sanguins impliqués

2.1 Plasmodium spp.

  • Responsable du paludisme, principalement P. falciparum et P. vivax.

  • Chez les immunodéprimés : risque de paludisme sévère, parasitémie élevée, atteinte multi-viscérale.

  • Risque élevé de rechutes chez les patients ayant un paludisme à P. vivax ou P. ovale sans traitement radical par primaquine.

2.2 Babesia microti et Babesia divergens

  • Transmission par les tiques ou par transfusion sanguine.

  • Les patients immunodéprimés (VIH, splénectomisés) sont particulièrement vulnérables à la babésiose sévère.

  • Risque de parasitémie prolongée, anémie hémolytique, défaillances multiviscérales.

2.3 Trypanosoma cruzi (maladie de Chagas)

  • Réactivation possible chez les personnes immunodéprimées, notamment VIH+.

  • Peut causer des formes cardiaques et digestives graves.

  • Parasitémie très élevée, risque de méningoencéphalite chagasique.

2.4 Leishmania donovani (leishmaniose viscérale)

  • Infection opportuniste classique chez les patients atteints du SIDA.

  • Signes : fièvre prolongée, splénomégalie, pancytopénie, cachexie.

  • Réactivation fréquente, réponse faible au traitement, rechutes fréquentes.

3. Signes cliniques chez les patients immunodéprimés

  • Fièvre persistante ou récurrente

  • Anémie sévère, thrombopénie ou pancytopénie

  • Hépatosplénomégalie ou adénopathies

  • Altération de l’état général, perte de poids

  • Atteintes neurologiques, en particulier dans les formes disséminées

Les signes sont souvent atypiques ou masqués par d'autres pathologies opportunistes.

4. Outils diagnostiques

4.1 Microscopie sanguine

  • Frottis mince et goutte épaisse pour Plasmodium et Babesia

  • Coloration de Giemsa ou May-Grünwald-Giemsa

  • Observation directe des formes parasitaires intra-érythrocytaires

4.2 Biologie moléculaire (PCR)

  • Hautement sensible, utile pour détecter les parasitémies faibles ou les co-infections

  • Identification génétique précise des espèces

4.3 Sérologie

  • Moins fiable chez les patients immunodéprimés (production d’anticorps altérée)

  • Utilisée comme outil complémentaire pour certaines parasitoses chroniques

5. Prise en charge thérapeutique

5.1 Traitements antiparasitaires spécifiques

  • Plasmodium : ACT ou artésunate IV pour les cas graves

  • Babesia : atovaquone + azithromycine, ou clindamycine + quinine

  • Trypanosoma cruzi : benznidazole ou nifurtimox

  • Leishmania donovani : amphotéricine B liposomale (préférée chez les immunodéprimés)

5.2 Traitements associés

  • Correction des troubles hématologiques

  • Transfusions si anémie sévère

  • Traitement antirétroviral chez les patients VIH+

  • Surveillance rapprochée et hospitalisation si forme sévère

6. Prévention et surveillance

  • Prévention des piqûres de tiques et de moustiques : moustiquaires, répulsifs, vêtements couvrants

  • Dépistage pré-transfusionnel des dons de sang dans les zones endémiques

  • Suivi parasitologique régulier chez les patients à risque élevé

  • Traitement prophylactique possible chez certains patients splénectomisés ou greffés exposés à Babesia ou Plasmodium

Conclusion

Les parasites sanguins représentent un danger majeur pour les patients immunodéprimés. Leurs infections sont souvent plus sévères, prolongées et difficiles à diagnostiquer. Une surveillance clinique et biologique rigoureuse, associée à une prise en charge rapide et adaptée, est indispensable pour réduire la morbi-mortalité. Dans un contexte de mondialisation et de mobilité accrue, la vigilance doit être constante, même en dehors des zones historiquement endémiques.

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