Les trypanosomes responsables de la maladie du sommeil

 

La maladie du sommeil, ou trypanosomiase humaine africaine (THA), est une infection parasitaire grave provoquée par des protozoaires du genre Trypanosoma. Transmise par la piqûre de la mouche tsé-tsé (Glossina), cette pathologie touche principalement les régions rurales d’Afrique subsaharienne. Bien que son incidence ait fortement diminué ces dernières années grâce aux efforts de contrôle, la maladie n’est pas éradiquée. Comprendre les caractéristiques des trypanosomes est essentiel pour renforcer la surveillance, le diagnostic et le traitement.

1. Les espèces de trypanosomes pathogènes pour l’homme

Deux sous-espèces de Trypanosoma brucei sont responsables de la maladie du sommeil chez l’homme :

  • Trypanosoma brucei gambiense : forme chronique, responsable de plus de 95 % des cas, principalement en Afrique de l’Ouest et du Centre.

  • Trypanosoma brucei rhodesiense : forme aiguë, observée en Afrique de l’Est et australe, progression plus rapide et souvent plus grave.

Une autre espèce, T. brucei brucei, n’est pas pathogène pour l’homme mais affecte les animaux.

2. Cycle de vie du trypanosome

Le cycle de T. brucei est dihôte, impliquant l’homme (ou un autre vertébré) et la mouche tsé-tsé.

2.1 Dans l’hôte humain

  • Après la piqûre infectante, les trypomastigotes métacycliques sont injectés dans le sang.

  • Ils se multiplient dans le sang, la lymphe et le liquide céphalorachidien.

  • Le parasite ne pénètre jamais à l’intérieur des cellules, restant toujours extracellulaire.

2.2 Dans la mouche tsé-tsé

  • Lors d’un repas sanguin, la mouche ingère des trypomastigotes.

  • Ceux-ci se différencient en formes procycliques dans l’intestin moyen.

  • Après multiplication, ils migrent vers les glandes salivaires, deviennent des formes métacycliques infectantes.

3. Manifestations cliniques

3.1 Trypanosomiase à T. b. gambiense (forme chronique)

  • Phase hémolymphatique : fièvre intermittente, adénopathies (notamment ganglion de Winterbottom), fatigue.

  • Phase neurologique : atteinte du système nerveux central avec troubles du sommeil (inversion du rythme veille-sommeil), troubles psychiatriques, convulsions, coma.

3.2 Trypanosomiase à T. b. rhodesiense (forme aiguë)

  • Apparition brutale : fièvre élevée, œdème, éruption cutanée.

  • Atteinte rapide du SNC et issue souvent fatale sans traitement.

4. Mécanismes d’évasion immunitaire

  • Le trypanosome utilise une variation antigénique très efficace : il change régulièrement les protéines de surface (VSG – glycoprotéines de surface variables).

  • Ce mécanisme empêche la réponse immunitaire de l’éliminer complètement et provoque des rechutes.

5. Diagnostic

  • Microscopie : détection des trypomastigotes dans le sang, la lymphe ou le liquide céphalorachidien.

  • Sérologie (CATT) : dépistage des anticorps anti-T. b. gambiense.

  • Analyse du LCR : permet de déterminer le stade de la maladie (précoce ou neurologique).

  • Techniques moléculaires : PCR et LAMP utilisées pour les cas complexes ou la confirmation.

6. Traitement

  • Stade 1 (sans atteinte neurologique) : pentamidine pour T. b. gambiense, suramine pour T. b. rhodesiense.

  • Stade 2 (atteinte du SNC) : eflornithine, nifurtimox combiné à eflornithine (NECT), ou mélarsoprol (toxique mais nécessaire pour T. b. rhodesiense).

  • Traitement dépendant du stade et de l’espèce impliquée.

7. Prévention et lutte

  • Lutte antivectorielle : piégeage des mouches tsé-tsé, utilisation d’insecticides, aménagement de l’environnement.

  • Surveillance active : dépistage dans les zones à risque.

  • Contrôle animal : traitement des animaux réservoirs.

  • Éducation sanitaire : information des populations à risque.

Conclusion

Les trypanosomes du complexe T. brucei sont des parasites redoutables ayant développé des stratégies sophistiquées pour survivre dans l’organisme humain. Bien que des progrès remarquables aient été accomplis dans la lutte contre la maladie du sommeil, la vigilance reste de mise pour éviter une résurgence. Le renforcement des programmes de dépistage, la surveillance épidémiologique et l’amélioration des traitements sont essentiels pour atteindre l’objectif de l’OMS : l’élimination de la trypanosomiase humaine africaine comme problème de santé publique.

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