L’électrophorèse sur gel de polyacrylamide en présence de dodécylsulfate de sodium (SDS-PAGE) est une technique de référence en biochimie, utilisée pour séparer les protéines en fonction de leur masse moléculaire. Cette méthode simple, reproductible et très précise permet de visualiser la composition protéique d’un échantillon, de contrôler la pureté d’une protéine purifiée, d’analyser les profils d’expression, et d’identifier des altérations pathologiques. Elle est incontournable en recherche biologique, en biologie moléculaire, en biochimie clinique et en biotechnologie.
Principe général de la SDS-PAGE
Le principe de la SDS-PAGE repose sur deux éléments fondamentaux : la dénaturation des protéines et leur migration électrophorétique dans un gel de polyacrylamide.
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Le SDS (sodium dodecyl sulfate) est un détergent anionique qui lie uniformément les protéines, leur conférant une charge négative proportionnelle à leur longueur. Il masque leur charge native et dénature leur structure tertiaire, les transformant en chaînes linéaires.
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Le gel de polyacrylamide agit comme un tamis moléculaire. Les protéines dénaturées migrent en fonction de leur taille : les plus petites passent plus facilement à travers le maillage du gel et migrent plus rapidement.
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Une différence de masse moléculaire est ainsi exploitée pour séparer les protéines les unes des autres.
Composition et préparation du gel
Le gel est constitué de deux parties :
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Gel de séparation (résolving gel) : à pH ~8,8, forte concentration en acrylamide pour séparer efficacement les protéines.
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Gel de concentration (stacking gel) : à pH ~6,8, faible concentration en acrylamide, qui concentre les protéines en une bande étroite avant leur entrée dans le gel de séparation.
Les réactifs nécessaires à la polymérisation du gel comprennent :
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Acrylamide et bisacrylamide (monomères formant la matrice)
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TEMED (stabilisateur de la polymérisation)
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APS (persulfate d’ammonium, initiateur de radicaux libres)
Préparation des échantillons
Les protéines à analyser sont préparées dans un tampon de chargement contenant :
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SDS pour la dénaturation
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β-mercaptoéthanol ou DTT pour rompre les ponts disulfures
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Glycérol pour alourdir l’échantillon
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Bleu de bromophénol comme marqueur de migration
L’échantillon est ensuite chauffé (en général 95°C pendant 5 min) pour assurer une dénaturation complète.
Migration électrophorétique
La migration se fait dans une cuve d’électrophorèse verticale, sous l’effet d’un courant électrique (généralement 100–150 V). Les protéines migrent du haut vers le bas du gel, vers l’anode. Une fois la migration terminée, le gel est prêt pour la révélation.
Révélation et analyse des protéines
Plusieurs méthodes de révélation peuvent être utilisées :
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Coloration au bleu de Coomassie : méthode simple et sensible, détectant les protéines à partir de 100 ng.
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Coloration à l’argent : plus sensible, permettant de visualiser des quantités infimes.
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Western blot (immunoblot) : transfert des protéines sur une membrane et détection spécifique par anticorps.
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Coloration fluorescente : pour analyse quantitative ou multiplexe.
Les bandes obtenues correspondent à des protéines distinctes, dont on peut estimer la masse moléculaire en les comparant à un marqueur de poids moléculaire (ladder).
Applications en biochimie
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Évaluation de la pureté d’une protéine après purification
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Identification de sous-unités protéiques
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Analyse d’expression des protéines recombinantes
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Étude des mutations ou modifications post-traductionnelles
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Diagnostic clinique (ex. : détection d’autoanticorps par immunoblot)
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Étude comparative entre tissus ou conditions expérimentales
Avantages de la SDS-PAGE
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Très grande résolution pour séparer les protéines selon leur masse
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Méthode standardisée, reproductible et peu coûteuse
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Compatible avec de nombreuses techniques de détection
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Peut être couplée à des analyses plus poussées (spectrométrie de masse, western blot)
Limites de la méthode
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Ne fournit pas d’informations sur la structure native ou la charge isoélectrique
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Les protéines hydrophobes (ex. : membranaires) peuvent être difficiles à solubiliser
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Possibilité de migration anormale pour certaines protéines glycosylées ou fortement modifiées
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Préparation longue et sensible aux erreurs de manipulation
Innovations et alternatives
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SDS-PAGE en gel gradient : permet une séparation plus fine sur une large gamme de tailles
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SDS-PAGE tricine : optimisée pour les petites protéines (< 10 kDa)
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SDS-PAGE semi-native : permet une conservation partielle de l’activité enzymatique
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Mini-gels préfabriqués : pour une meilleure reproductibilité et un gain de temps
Conclusion
La SDS-PAGE est une technique incontournable dans l’étude des protéines. Elle allie efficacité, fiabilité et simplicité, et constitue la base de nombreuses analyses biochimiques. Son usage reste dominant, malgré l’émergence de technologies plus avancées, car elle fournit une information immédiate, visuelle et quantitative sur les mélanges protéiques complexes. C’est un outil fondamental pour la recherche, le diagnostic et la production de biomolécules.