Traitements actuels des infections à Entamoeba histolytica

 

Entamoeba histolytica est un parasite protozoaire responsable de l’amibiase, une parasitose qui affecte des millions de personnes à travers le monde, particulièrement dans les zones tropicales et subtropicales. Cette infection peut se manifester sous forme intestinale, souvent asymptomatique ou associée à des symptômes digestifs légers à sévères, mais aussi sous forme extra-intestinale, notamment sous la forme d’abcès hépatique amibien, qui peut être grave. Le traitement des infections à E. histolytica est un enjeu majeur de santé publique. Cet article détaille les médicaments utilisés, les schémas thérapeutiques recommandés, les difficultés liées à la résistance et à la tolérance, ainsi que les perspectives futures.

1. Bases du traitement de l’amibiase

Le traitement repose sur deux axes complémentaires :

  • L’élimination des trophozoïtes invasifs responsables des lésions tissulaires.

  • L’éradication des formes kystiques résidentes dans la lumière intestinale pour éviter les rechutes et la transmission.

L’absence de traitement adapté peut conduire à des complications sévères telles que la perforation intestinale, les abcès hépatique, pulmonaire ou cérébral.

2. Médicaments antiparasitaires : classifications et mécanismes d’action

2.1 Agents systémiques (antiprotozoaires à activité tissulaire)

Ces médicaments pénètrent dans les tissus pour éliminer les trophozoïtes invasifs :

  • Métronidazole : molécule la plus utilisée, appartient à la classe des nitroimidazoles. Il agit par génération de radicaux libres qui endommagent l’ADN des parasites. Posologie typique : 500 à 750 mg trois fois par jour pendant 7 à 10 jours.

  • Tinidazole : proche du métronidazole avec une demi-vie plus longue, permettant des traitements plus courts (souvent dose unique ou 2-3 jours).

  • Secnidazole : molécule récente à longue demi-vie, facilitant la compliance par traitement en dose unique.

  • Ornidazole et autres nitroimidazoles : alternatives utilisées dans certains pays.

2.2 Agents luminales (médicaments agissant dans la lumière intestinale)

Ces médicaments ne sont pas ou peu absorbés, ciblent les formes kystiques et trophozoïtes non invasifs :

  • Paromomycine : aminoglycoside non absorbé, toxique pour le parasite, bien toléré, souvent utilisé en relais après traitement systémique.

  • Diloxanide furoate : efficace, mais moins disponible globalement, utilisé en dose de 500 mg trois fois par jour pendant 10 jours.

  • Iodoquinol : utilisé comme alternative, mais moins prescrit à cause de certains effets secondaires.

2.3 Médicaments combinés

  • Combinaison séquentielle ou simultanée d’agents systémiques et luminales pour assurer l’éradication complète.

3. Protocoles thérapeutiques recommandés

3.1 Amibiase intestinale aiguë

  • Traitement initial par métronidazole 750 mg × 3/j pendant 7 à 10 jours.

  • Relais par paromomycine 500 mg × 3/j pendant 7 à 10 jours pour éradiquer les kystes.

  • Alternative : tinidazole en dose unique ou sur 3 jours suivi du traitement luminal.

3.2 Amibiase asymptomatique

  • Souvent traitée uniquement par agents luminales, en particulier si la présence d’E. histolytica est confirmée.

  • Éviter le métronidazole seul car il ne détruit pas les kystes.

3.3 Abcès hépatique amibien

  • Traitement systémique prolongé par métronidazole 750 mg × 3/j pendant 10 à 14 jours.

  • Surveillance clinique et échographique.

  • Drainage percutané réservé aux abcès volumineux (>5-10 cm), non résolutifs ou à risque de rupture.

  • Traitement luminal en relais pour éliminer les porteurs intestinaux.

3.4 Autres formes extra-intestinales (pulmonaires, cérébrales)

  • Traitement similaire aux abcès hépatiques, mais prise en charge multidisciplinaire nécessaire.

4. Tolérance et effets secondaires

  • Métronidazole : nausées, goût métallique, troubles neurologiques rares (neuropathies), effets désagréables avec alcool (effet antabuse).

  • Paromomycine : généralement bien tolérée, troubles digestifs possibles.

  • Iodoquinol : peut causer neuropathies et troubles digestifs.

  • Surveillance nécessaire surtout en cas de traitements prolongés.

5. Résistance et problématiques émergentes

  • Résistance acquise au métronidazole décrite mais encore rare et mal comprise.

  • Importance de la compliance et de la prescription adaptée pour limiter l’apparition de résistances.

  • Recherche en cours pour nouveaux agents et stratégies thérapeutiques.

6. Approches complémentaires et innovations thérapeutiques

  • Études sur l’association antiparasitaires-probiotiques pour restaurer la flore intestinale et améliorer la guérison.

  • Recherche sur des molécules ciblant spécifiquement les mécanismes de virulence d’E. histolytica.

  • Développement de vaccins expérimentaux.

7. Prise en charge dans les populations spécifiques

  • Femmes enceintes : prudence avec le métronidazole surtout au premier trimestre, alternatives limitées.

  • Enfants : adaptation des doses et formulations.

  • Patients immunodéprimés : surveillance rapprochée et traitement parfois prolongé.

Conclusion

Le traitement des infections à Entamoeba histolytica repose sur une stratégie combinée d’agents systémiques et luminales visant à éliminer les formes invasives et les formes kystiques intestinales. Malgré l’efficacité des traitements actuels, les défis liés à la résistance, à la tolérance, et à l’observance imposent une vigilance constante. L’innovation thérapeutique et la personnalisation des protocoles restent des axes prioritaires pour améliorer la prise en charge et réduire la morbidité associée à cette parasitose mondiale.

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