Les maladies tropicales négligées (MTN) regroupent un ensemble d’infections principalement parasitaires, bactériennes et virales qui affectent plus d’un milliard de personnes dans les régions les plus pauvres du monde. Ces maladies, souvent invisibles sur la scène internationale, sont causées par des parasites tels que les helminthes, les protozoaires ou les trypanosomes, et entraînent des souffrances chroniques, des incapacités permanentes et des retards de développement. Le manque d’accès à l’eau potable, aux soins de santé et aux infrastructures sanitaires constitue un terrain fertile pour leur propagation. Cet article propose une exploration complète des liens entre parasites et MTN, en mettant l’accent sur les pathogènes impliqués, leurs impacts socio-économiques, les stratégies de lutte actuelles et les perspectives d’éradication.
Qu’est-ce qu’une maladie tropicale négligée ?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les maladies tropicales négligées comme des pathologies infectieuses présentes dans les régions tropicales et subtropicales, touchant principalement les populations pauvres et marginalisées. Bien qu’elles causent une morbidité importante, elles reçoivent peu de financements et d’attention par rapport à d’autres maladies comme le VIH/sida, le paludisme ou la tuberculose. Sur la liste actuelle de l’OMS figurent plus de 20 MTN, dont plusieurs sont causées par des parasites intestinaux, tissulaires ou vectoriels.
Principaux parasites impliqués dans les MTN
1. Helminthiases transmises par le sol
Ces maladies sont causées par des vers intestinaux comme Ascaris lumbricoides, Trichuris trichiura et les ankylostomes. Elles affectent principalement les enfants et provoquent de l’anémie, un retard de croissance et une baisse des performances scolaires. Ces infections sont liées à un manque d’hygiène et à la consommation d’eau contaminée.
2. Schistosomiase
Appelée également bilharziose, cette maladie est causée par des vers plats du genre Schistosoma présents dans des eaux douces infestées de larves. Les œufs déposés dans les tissus provoquent des inflammations chroniques de la vessie, du foie ou de l’intestin. La schistosomiase est l’une des maladies parasitaires les plus répandues après le paludisme.
3. Filariose lymphatique
Transmise par des moustiques, cette parasitose est causée par des vers filaires comme Wuchereria bancrofti. Elle entraîne une obstruction des vaisseaux lymphatiques, provoquant une éléphantiasis (gonflement massif des membres ou des organes génitaux). Cette maladie est source de stigmatisation et d’incapacité chronique.
4. Onchocercose
Connue sous le nom de cécité des rivières, elle est due à Onchocerca volvulus, un ver transmis par une mouche noire vivant près des cours d’eau. Elle provoque des démangeaisons intenses, des lésions cutanées et une perte de vision pouvant aboutir à la cécité.
5. Trypanosomiase humaine africaine
Appelée maladie du sommeil, elle est causée par Trypanosoma brucei, un protozoaire transmis par la mouche tsé-tsé. La maladie évolue en deux phases : une phase hémolymphatique avec fièvres et adénopathies, suivie d’une atteinte neurologique sévère pouvant entraîner le coma ou la mort.
6. Leishmaniose
Transmise par le phlébotome, un petit insecte hématophage, cette maladie est causée par des protozoaires du genre Leishmania. Elle se manifeste sous forme cutanée (plaies ulcéreuses) ou viscérale (atteinte des organes internes) et touche principalement les populations rurales mal desservies.
7. Dracunculose
Aussi appelée maladie du ver de Guinée, elle est provoquée par l’ingestion d’eau contaminée contenant des larves de Dracunculus medinensis. Le ver adulte migre sous la peau et sort douloureusement par une ulcération.
Impacts des maladies tropicales négligées
Les MTN causent rarement la mort, mais elles provoquent des souffrances prolongées, de la malnutrition, des incapacités physiques, de la stigmatisation sociale et une perte de productivité. Elles affectent la scolarisation des enfants, l’emploi des adultes et freinent le développement économique des régions endémiques. De plus, elles aggravent les inégalités de santé, car elles touchent les populations qui ont le moins accès aux soins. Leur invisibilité dans les agendas politiques contribue à leur persistance.
Stratégies de lutte contre les MTN parasitaires
1. Traitement de masse préventif
L’approche la plus utilisée consiste à administrer régulièrement des médicaments antiparasitaires à l’ensemble des populations à risque, en particulier les enfants d’âge scolaire. Par exemple, l’albendazole et le mébendazole sont distribués pour lutter contre les helminthiases. L’ivermectine est utilisée contre l’onchocercose et la filariose.
2. Contrôle vectoriel
La lutte contre les vecteurs (moustiques, mouches, phlébotomes) est essentielle pour limiter la transmission. Elle repose sur l’utilisation de moustiquaires imprégnées, d’insecticides, de pièges ou de modifications environnementales.
3. Amélioration de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement (WASH)
L’accès à l’eau potable, à des installations sanitaires et à une éducation à l’hygiène permet de réduire considérablement la transmission des parasites intestinaux et des maladies liées à l’eau contaminée.
4. Vaccination et recherche
Pour certaines MTN parasitaires comme la leishmaniose ou la schistosomiase, des vaccins sont en cours de développement. Parallèlement, la recherche sur les résistances parasitaires, les diagnostics rapides et les nouveaux traitements continue de progresser.
Objectifs mondiaux et perspectives d’éradication
L’OMS a fixé des objectifs ambitieux pour éliminer ou contrôler plusieurs MTN d’ici 2030. Des partenariats internationaux (ex : Uniting to Combat NTDs, Fondation Bill et Melinda Gates) soutiennent les campagnes de déparasitage, de distribution de médicaments et de recherche. Les succès obtenus dans la lutte contre la dracunculose (moins de 15 cas dans le monde en 2023) montrent que l’éradication est possible. Toutefois, des défis persistent : instabilité politique, accès difficile à certaines zones, émergence de résistances, et manque de financement.
Conclusion
Les parasites jouent un rôle central dans la persistance des maladies tropicales négligées, affectant des millions de personnes dans l’ombre des grandes priorités de santé publique. Une approche intégrée combinant traitement de masse, éducation sanitaire, lutte antivectorielle et recherche scientifique est indispensable pour réduire durablement leur prévalence. L’engagement politique et financier global est essentiel pour ne pas abandonner ces populations à des maladies qui sont à la fois évitables et curables. En rendant visibles ces infections oubliées, nous pouvons faire un pas décisif vers un monde plus équitable en matière de santé.