Chez les équidés, les strongles représentent les parasites gastro-intestinaux les plus courants et les plus préoccupants sur le plan sanitaire. Bien qu’ils fassent partie de l’écosystème intestinal des chevaux, poneys et ânes, une infestation non contrôlée peut entraîner de graves répercussions sur leur santé, leur bien-être et leurs performances. Comprendre le rôle des strongles, leurs cycles de vie, les symptômes qu’ils provoquent et les stratégies de gestion est essentiel pour tout propriétaire, éleveur ou vétérinaire.
Qu’est-ce que les strongles ?
Les strongles sont des vers ronds (nématodes) appartenant à la famille des Strongylidae. On les retrouve presque systématiquement dans les élevages équins et les prairies pâturées. Ils sont classés en deux grands groupes selon leur taille et leur comportement parasitaire :
– Strongles majeurs (grands strongles) : Les plus connus sont Strongylus vulgaris, Strongylus edentatus et Strongylus equinus.
– Strongles mineurs (petits strongles ou cyathostomes) : Ils regroupent plusieurs dizaines d’espèces du genre Cyathostomum, Cylicostephanus, etc.
Cycle de vie des strongles
Le cycle des strongles est direct, c’est-à-dire qu’il ne nécessite pas d’hôte intermédiaire. Les œufs sont excrétés dans les crottins des équidés, puis éclosent dans l’environnement pour donner naissance à des larves. Ces larves passent par plusieurs stades (L1, L2, L3), le stade infectieux étant la larve L3.
Les chevaux s’infestent en ingérant ces larves en broutant de l’herbe contaminée. Une fois dans le tube digestif, les strongles majeurs migrent à travers les vaisseaux sanguins ou les tissus avant de revenir dans l’intestin. Les cyathostomes, quant à eux, s’enkystent dans la muqueuse intestinale pendant plusieurs semaines ou mois avant d’émerger.
Rôle pathogène des strongles chez les équidés
Les strongles sont responsables de troubles digestifs plus ou moins graves selon le degré d’infestation, l’espèce concernée, l’âge du cheval et son état général.
1. Strongylus vulgaris : un parasite vasculaire redouté
Ce grand strongle est considéré comme le plus dangereux. Après ingestion, ses larves migrent dans les artères mésentériques du cheval, provoquant des lésions inflammatoires et des caillots (thromboses). Ces lésions peuvent bloquer l’irrigation de l’intestin, causant des coliques graves, parfois mortelles (nécrose intestinale).
Symptômes : coliques récurrentes, amaigrissement, fièvre, anémie, baisse de performance. Sans traitement, les complications peuvent nécessiter une intervention chirurgicale.
2. Cyathostomes : les plus fréquents aujourd’hui
Ces petits strongles sont présents dans presque tous les chevaux vivant au pâturage. Bien qu’ils soient généralement moins agressifs, leur enkystement massif dans la paroi intestinale (caecum et côlon) peut entraîner une libération soudaine de milliers de larves.
Syndrome de larvose cyathostomienne : Il survient lors d’une émergence massive de larves enkystées, notamment chez les jeunes chevaux. Cette situation est associée à une diarrhée aiguë, une inflammation intestinale sévère, une perte de poids rapide et une anémie.
3. Autres impacts cliniques et subcliniques
– Diminution de l’assimilation des nutriments
– Amaigrissement progressif malgré une alimentation normale
– Poil terne, fatigue chronique, baisse d’endurance
– Diarrhées intermittentes ou chroniques
– Coliques légères à modérées à répétition
Même à faible charge parasitaire, les strongles peuvent provoquer des pertes économiques significatives dans les élevages équins (performances réduites, soins vétérinaires, retards de croissance).
Diagnostic des infestations à strongles
Le diagnostic repose principalement sur l’analyse coprologique (examen des selles) :
– Coproscopie qualitative : Pour détecter la présence d’œufs.
– Coproscopie quantitative (technique McMaster) : Pour estimer le nombre d’œufs par gramme (EPG) de fèces.
– Culture de larves : Pour différencier les espèces de strongles.
– Tests PCR : Méthodes plus avancées pour identifier précisément les espèces ou détecter des résistances.
Il est important de noter que les œufs des cyathostomes et des grands strongles sont morphologiquement identiques. Un test de culture larvaire ou moléculaire est nécessaire pour différencier les espèces.
Contrôle et gestion des strongles : stratégies raisonnées
L’objectif du contrôle parasitaire n’est pas l’éradication totale, mais la gestion des charges parasitaires pour éviter les pathologies tout en limitant le développement de résistances aux vermifuges.
1. Traitements antiparasitaires (vermifuges)
Les principales classes d’anthelminthiques utilisées chez les équidés sont :
– Benzimidazoles (fenbendazole, oxibendazole)
– Tétrahydropyrimidines (pyrantel)
– Macrocyclic lactones (ivermectine, moxidectine)
Cependant, de nombreux cas de résistances parasitaires sont rapportés, notamment chez les cyathostomes face aux benzimidazoles et au pyrantel. Une gestion raisonnée est donc indispensable.
2. Vermifugation raisonnée et sélective
– Réaliser des analyses coprologiques avant chaque traitement
– Traiter uniquement les chevaux ayant une charge parasitaire élevée
– Éviter les vermifugations systématiques tous les 2 ou 3 mois sans indication
– Alterner les familles de molécules en fonction des résultats
– Surveiller l’efficacité des traitements par des tests de réduction des œufs (FECRT)
3. Gestion des pâturages
Les mesures suivantes permettent de limiter la contamination environnementale :
– Ramasser régulièrement les crottins dans les prés
– Alterner les parcelles et pratiquer la rotation des pâturages
– Éviter la surpopulation dans les prés
– Co-pâturage avec des ruminants (vaches, moutons), qui ne partagent pas les mêmes parasites
4. Prise en compte de l’âge et du mode de vie
– Les jeunes chevaux sont plus sensibles aux cyathostomes et nécessitent une surveillance renforcée
– Les chevaux vivant exclusivement au box sont moins exposés, mais peuvent être porteurs s’ils ont été contaminés auparavant
– Les chevaux de sport ou de loisirs doivent être suivis individuellement, car les expositions varient
Conclusion
Les strongles sont des parasites intestinaux omniprésents chez les équidés. Bien qu’ils fassent partie du microbiote digestif normal dans une certaine mesure, leur prolifération incontrôlée peut entraîner des troubles graves, en particulier les coliques d’origine parasitaire et les diarrhées inflammatoires. Un contrôle raisonné, basé sur le diagnostic, des traitements ciblés et une gestion rigoureuse de l’environnement, est indispensable pour préserver la santé des chevaux, limiter les résistances et assurer une exploitation équine durable et performante.